Une nouvelle journée, encore une où Gabriel va la passer dans son atelier. Enfin, ce n’est pas vraiment son atelier. Il n’y est qu’un employé mais ça reste sa deuxième maison, son terrain de jeu favori. Si le brun n’est pas occupé à arpenter les bars de la ville à la recherche d’une petite blonde à mettre dans son lit, c’est qu’il est dans ce hangar où l’odeur prédominante est celle du cambouis. Si pour beaucoup l’odeur est désagréable pour lui, ça a l’odeur de la liberté. Depuis qu’il est jeune, il y a trouvé une sorte d’exutoire dans la mécanique. C’était le moyen pour lui d’échapper à la triste réalité de sa famille.

La journée passe tellement vite qu’il ne voit pas la nuit arrivée. Il est bien trop concentré sur la voiture qu’on lui a donné à réparer. Ca doit bien faire des heures qu’il est couché sous cette dernière avec une planche à roulette pour l’aider à se déplacer. Depuis qu’elle est ici, elle fait un drôle de bruit et Gabriel n’a pas encore su trouver l’origine de ce dysfonctionnement. Si ça continue ainsi, il va finir par la désosser entièrement. Ce ne serait qu’un mal pour un bien, non ? Dans le pire des cas, ça ne fera que lui rajouter du travail. Mais pour ce soir, le brun décide de s’arrêter. Si son patron apprend qu’il est encore en train de travailler à cette heure aussi tardive, il se fera taper sur les doigts.

Fermant les lumières du hangar pour enfin partir en utilisant la porte à l’arrière, il fut vite coupé dans sa route lorsque la sonnette retentit de l’autre côté du bâtiment. Une première question prend place dans son esprit : Qui peut bien sonner à une heure pareille ? Gabriel n’a même pas encore eu le temps de se débarbouiller ne serait-ce qu’un peu. Ses mains sont encore noires et graisseuses.  Il est à deux doigts de laisser cette personne se débrouiller seul mais son naturel dévouement aux autres prend le dessus. Soupirant, il rejoint la petite porte qu’utilise normalement les clients pour la déverrouiller et enfin l’ouvrir.

“Sam ?” dit-il tout simplement surpris de voir son frère devant la porte à cette heure-ci. “Il y a un problème ? Tu vas bien ?” Pour que Sammaël soit devant son atelier à une heure aussi tardive c’est qu’il doit avoir un souci. C’est donc tout naturellement que l'inquiétude le prend mais il ne laisse rien paraître. Si Gabriel est doué pour une chose, c’est masquer ses véritables sentiments.

Gabriel ne s’attendait pas à voir son frère arriver à une heure aussi tardive. Même si il travaillait encore, le garage était fermé depuis plusieurs heures déjà. Normalement, personne ne devrait avoir à frapper à cette porte. Ses sourcils se froncent en observant son aîné qui se tient le poignet. La réponse à sa question ne lui plait pas plus. Tu aurais dû m'appeler. dit-il en venant croiser ses bras contre son torse. Et si tu t’étais cogné la tête ? Et si tu avais fait un malaise en venant ici ? Je te pensais plus réfléchi que ça Sam. Ordinairement, Gabriel est beaucoup plus doux que ça avec son frère mais il ne peut pas s’empêcher d’être inquiet pour ce dernier. Même si il n’y a pas de plaie apparente, qui sait le choc qu’il a pu avoir et les dégâts qui en résulte ?

Néanmoins, le cadet suit son frère aîné sans plus de formalité. Il voit bien que son frère est fébrile et rien de plus normal après un accident de voiture. Il tremble en silence mais suivi de prêt par son cadet. Il est nettement plus inquiet pour son frère que pour l’état potentiel de la voiture. Ce n’est que du bien matériel après tout. Mais il sait aussi à quel point Sammael a besoin de cette voiture pour aller travailler. Il connaît le travail qu’il fait et sait qu’il a pour habitude de parcourir la ville d’un bout à l’autre pour satisfaire ses clients. Il ne peut donc qu’espérer que sa voiture soit réparable. Et comme il est debout, ça devrait être le cas.

Comment as-tu fait ton compte ? lance-t-il lorsqu’ils sont enfin devant la voiture encore encastrée dans le mur. Gabriel s’en approche et observe le véhicule plié par endroit. Déjà, il n’y a pas de fumée qui s’échappe du capot donc, c’est plutôt bon signe. dit-il pour rassurer son aîné. Puis, il lui fait signe de lui donner les clés de la voiture pour qu’il puisse y entrer. Lorsque c’est fait, il entre côté conducteur et déverrouille le capot. Il n’attend pas plus longtemps pour sortir du véhicule et rejoindre l’avant. Il tente, et non sans difficulté, d’ouvrir le capot pour observer les potentiels dégâts intérieurs. Mais entre le mur et la tôle pliée, c’est quelque peu compliqué. Il lui faut plusieurs minutes pour y arriver et ça non sans grimacer. Par manque de place, il grimpe presque sur l’avant de la voiture pour y voir plus clair. Le moteur n’a pas l’air touché. Mais je vais devoir l’emmener au garage pour regarder en dessous histoire d’en être sûr. Il hausse un peu les épaules et descend de son perchoir tout en refermant le capot de la voiture. Je vais devoir prendre la dépanneuse au garage. Tu n’auras qu’à m’y attendre et te poser un peu. Gabriel fait signe à son frère de le suivre à nouveau jusqu’au garage qui est, heureusement, pas si loin que ça. Là-bas, il y laisse Sammael avec un verre d’eau entre les mains. Lui, il s’installe au volant de la dépanneuse et prend la route pour sortir la voiture du mur et la ramener jusqu’au garage où il fait en sorte de l’installer proprement sur le pont. La voiture prend suffisamment son envole pour lui permettre de tenir debout dessous.

Tel un docteur, il observe les moindre recoins de la voiture. Mais ses mains commencent elles aussi à trembler. Il tente de le cacher à son frère en les fourrant dans les poches de son jeans couverts de cambouis. T’as eu de la chance. Elle n'a rien d’irréparable. C’est surtout la tôle qui a pris. Je dois avoir les pièces qu’il faut. Mais toi, ça va ? T’es sûr que t’as pas besoin d’aller voir un docteur ? dit-il en se tournant vers son aîné tout en quittant le dessous de la voiture car même si elle est fermement maintenue sur le pont, rien ne dit qu’elle ne pourrait pas tomber.